L’ancien français (IXe – XIIIe siècle)
La dislocation de l’Empire de Charlemagne entraîna un grand nombre de conséquences qui eurent des incidences sur la langue: règne de la féodalité, qui morcela l’autorité royale; invasion des Normands en Angleterre, en France et en Italie; ère des croisades, qui fit découvrir l’Orient; toute-puissance de l’Eglise de Rome, qui assujettit le monde chrétien. En même temps, deux grandes puissances firent leur entrée: l’islam turc, qui arrêta l’essor des Arabes, et l’expansion mongole dans toute l’Asie, fermée alors aux contacts internationaux. Dans ce monde l’information était rare, les communications difficiles et les échanges limités. C’est dans ce cadre peu favorable que naquit la langue française.
Au Xe siècle, le français, que l’on associe souvent au francien, n’occupait encore qu’une base territoriale étroite parmi les langues d’oïl: il n’était parlé que dans les régions de Paris et d’Orléans, par les couches supérieures de la population. Les rois de France, pour leur part, parlaient encore le francique (une langue germanique). Les langues d’oc du Sud correspondaient à la partie de la Gaule la plus profondément romanisée, qui n’a pas fait partie du domaine des Francs. Quant aux langues francoprovençales, elles correspondaient plus ou moins à des anciennes possessions des Burgondes, puis de l’empereur du Saint Empire romain germanique. A cette époque, les gens du peuple étaient tous unilingues et parlaient l’un ou l’autre des 600 ou 700 dialectes en usage en France et hors de France. Seuls les lettres écrivaient en latin d’Eglise et communiquaient entre eux par cette langue.
En 987, Hugues Capet fut élu et couronné roi de France; c’était le premier souverain à ne savoir s’exprimer qu’en langue vernaculaire romane (bientôt le «français»). La dynastie des Capétiens réussit à renforcer l’autorité royale et entreprit la tâche d’agrandir ses domaines. Contrairement aux rois précédents qui transportaient leur capitale d’une ville à l’autre, les Capétiens se fixèrent à Paris. Mais ce n’est qu’en 1119 que le roi Louis VI (règne: 1108–1137), un lointain descendant de Hugues Capet, se proclama «roi de la France, non plus des Francs, et fils particulier de l’Eglise romaine». C’est le premier texte où il est fait référence au mot France. D’où le mot français et francien. La langue de l’Ile-de-France n’était pas encore très répandue et n’était parlée que dans cette petite région.
L’existence d’une capitale stable contribua à donner du prestige au dialecte du seigneur le plus puissant et du pouvoir politique le plus considérable. L’aristocratie, les clercs, les juristes et la bourgeoisie commencèrent à utiliser le francien. Lorsque Louis IX (dit saint Louis) accéda au trône (1226–1270), l’unification linguistique était en partie gagnée et la prépondérance du francien définitivement assurée. Après de nombreuses victoires militaires royales, le francien remplaça progressivement les autres langues d’oïl et s’infiltra dans les principales villes du Sud. A la fin de son règne, Louis IX était devenu le plus puissant monarque de toute l’Europe, ce qui assura un certain prestige à sa langue, que l’on appela désormais le français.
Bien que le français ne soit pas alors une langue officielle imposée, il était utilisé comme langue véhiculaire dans les couches supérieures de la population et dans l’armée royale qui, lors des croisades, le porta en Italie, en Espagne, à Chypre, en Syrie et à Jérusalem.
Au cours du XIIe siècle, on commença à utiliser le français à l’écrit, particulièrement dans l’administration royale, qui l’employait parallèlement au latin. Mais c’est au XIIIe siècle qu’apparurent des oeuvres littéraires en français. A la fin de ce siècle, le français s’écrivait en Italie (en 1298, Marco Polo rédigea ses récits de voyages en français), en Angleterre (depuis la conquête de Guillaume le Conquérant), en Allemagne et aux Pays-Bas. Evidemment, le peuple ne connaissait rien de cette langue, même en Ile-de-France (région de Paris) où les dialectes locaux continuaient de subsister. Comme on le constate, au fur et à mesure que s’affermissait l’autorité royale et la centralisation du pouvoir, la langue du roi de France gagnait du terrain. Mais, le français n’était pas encore une langue de culture et ne pouvait rivaliser ni avec le latin ni même avec l’arabe, dont la civilisation était alors très en avance sur celle des Occidentaux. Le latin de l’Eglise n’avait pas de rival. Et la Renaissance était encore loin.
Vocabulaire
dislocation f äðîáëåíèå, ðàñïàä
entraîner vt des conséquences f pl ïðèâåñòè ê ïîñëåäñòâèÿì
avoir des incidences f pl sur îòðàçèòüñÿ, ñêàçàòüñÿ, ïîâëèÿòü
morceler vt äðîáèòü, äåëèòü íà ÷àñòè
assujettir vt ïîêîðÿòü, ïîä÷èíÿòü
refléter vt îòðàæàòü
étroit, -e adj óçêèé, îãðàíè÷åííûé
soumettre vt ïîä÷èíÿòü
langue f vernaculaire adj ìåñòíîå íàðå÷èå
descendant m ïîòîìîê
référence f ññûëêà
accéder vi à ïîëó÷èòü
prépondérance f ïðåîáëàäàíèå
s’infiltrer ïðîíèêàòü
imposé, -e îáÿçàòåëüíûé, óñòàíîâëåííûé
langue f véhiculaire adj îáùèé ÿçûê, ñëóæàùèé äëÿ îáùåíèÿ ðàçíîÿçûêîãî íàñåëåíèÿ; ÿçûê-ïîñðåäíèê
nomadisme m êî÷åâíè÷åñòâî
émancipé, -e ñâîáîäíûé
malfaiteur m ïðåñòóïíèê
gueux m íèùèé, îáîðâàíåö
subsister vi ïðîäîëæàòü ñóùåñòâîâàòü
au fur et à mesure adv ïîñòåïåííî; ïî ìåðå òîãî, êàê
s’affermir óêðåïëÿòüñÿ, óòâåðæäàòüñÿ
rivaliser vi ñîïåðíè÷àòü