Bien sûr il y a les guerres d'Irlande
Et les peuplades sans musique
Bien sûr tout ce manque de tendres
Il n'y a plus d'Amérique
Bien sûr l'argent n'a pas d'odeur
Mais pas d'odeur me monte au nez
Bien sûr on marche sur les fleurs
Mais voir un ami pleurer!
Bien sûr il y a nos défaites
Et puis la mort qui est tout au bout
Nos corps inclinent déjà la tête
Étonnés d'être encore debout
Bien sûr les femmes infidèles
Et les oiseaux assassinés
Bien sûr nos cœurs perdent leurs ailes
Mais mais voir un ami pleurer!
Bien sûr ces villes épuisées
Par ces enfants de cinquante ans
Notre impuissance à les aider
Et nos amours qui ont mal aux dents
Bien sûr le temps qui va trop vite
Ces métro remplis de noyés
La vérité qui nous évite
Mais voir un ami pleurer!
Bien sûr nos miroirs sont intègres
Ni le courage d'être juifs
Ni l'élégance d'être nègres
On se croit mèche on n'est que suif
Et tous ces hommes qui sont nos frères
Tellement qu'on n'est plus étonnés
Que par amour ils nous lacèrent
Mais voir un ami pleurer!
Jacques
Brel
Pardons
Pardon pour cette fille
Que l'on a fait pleurer
Pardon pour ce regard
Que l'on quitte en riant
Pardon pour ce visage
Qu'une larme a changé
Pardon pour ces maisons
Où quelqu'un nous attend
Et puis pour tous ces mots
Que l'on dit mots d'amour
Et que nous employons
En guise de monnaie
Pour tous les serments
Qui meurent au petit jour
Pardon pour les jamais
Pardon pour les toujours
Pardon pour pour les hameaux
Qui ne chantent jamais
Pardon pour les villages
Que l'on a oubliés
Et pardon pour les cités
Où nul ne se connaît
Pardon pour les pays
Faits de sous-officiers
Pardon d'être de ceux
Qui se foutent de tout
Et de ne pas avoir
Chaque jour essayé
Et puis pardon encore
Et puis pardon surtout
De ne jamais savoir
Qui doit nous pardonner
Jacques
Brel
Ne me quitte pas
Paroles et Musique: Jacques Brel 1959
Ne
me quitte pas
Il faut oublier
Tout peut s'oublier
Qui s'enfuit déjà
Oublier le temps
Des malentendus
Et le temps perdu
A savoir comment
Oublier ces heures
Qui tuaient parfois
A coups de pourquoi
Le cœur du bonheur
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Moi je t'offrirai
Des perles de pluie
Venues de pays
Où il ne pleut pas
Je creuserai la terre
Jusqu'après ma mort
Pour couvrir ton corps
D'or et de lumière
Je ferai un domaine
Où l'amour sera roi
Où l'amour sera loi
Où tu seras reine
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Je t'inventerai
Des mots insensés
Que tu comprendras
Je te parlerai
De ces amants-là
Qui ont vu deux fois
Leurs cœurs s'embraser
Je te raconterai
L'histoire de ce roi
Mort de n'avoir pas
Pu te rencontrer
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
On a vu souvent
Rejaillir le feu
D'un ancien volcan
Qu'on croyait trop vieux
Il est paraît-il
Des terres brûlées
Donnant plus de blé
Qu'un meilleur avril
Et quand vient le soir
Pour qu'un ciel flamboie
Le rouge et le noir
Ne s'épousent-ils pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Je ne vais plus pleurer
Je ne vais plus parler
Je me cacherai là
A te regarder
Danser et sourire
Et à t'écouter
Chanter et puis rire
Laisse-moi devenir
L'ombre de ton ombre
L'ombre de ta main
L'ombre de ton chien
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas.
Jacques
Brel
Les amants de coeur
Paroles et Musique: Jacques Brel 1964
Ils s'aiment s'aiment en riant
Ils s'aiment s'aiment pour toujours
Ils s'aiment tout au long du jour
Ils s'aiment s'aiment s'aiment tant
Qu'on dirait des anges d'amour
Des anges fous se protégeant
Quand se retrouvent en courant
Les amants
Les amants de cœur
Les amants
Ils s'aiment s'aiment à la folie
S'effeuillant à l'ombre des feux
Se découvrant comme deux fruits
Puis se trouvant n'être plus deux
Se dénouant comme velours
Se reprenant au petit jour
Et s'endormant les plus heureux
Les amants
Les amants de cœur
Les amants
Ils s'aiment s'aiment en tremblant
Le cœur mouillé le cœur battant
Chaque seconde est une peur
Qui croque le cœur entre ses dents
Ils savent trop de rendez-vous
Où ne vinrent que des facteurs
Pour n'avoir pas peur du loup
Les amants
Les amants de cœur
Les amants
Ils s'aiment s'aiment en pleurant
Chaque jour un peu moins amants
Quand ils ont bu tout leur mystère
Deviennent comme sœur et frère
Brûlent leurs ailes d'inquiétude
Redeviennent deux habitudes
Alors changent de partenaire
Les amants
Les amants de cœur
Les amants
Qui s'aiment s'aiment en riant
Qui s'aiment s'aiment pour toujours
Qui s'aiment tout au long du jour
Qui s'aiment s'aiment s'aiment tant
Qu'on dirait des anges d'amour
Des anges fous se protégeant
Quand ils se retrouvent en courant
Les amants
Les amants de cœur
Les amants
Jacques
Brel
Le plat pays
Paroles et Musique: Jacques Brel 1962
Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague
Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues
Et de vagues rochers que les marées dépassent
Et qui ont à jamais le cœur à marée basse
Avec infiniment de brumes à venir
Avec le vent de l'est écoutez-le tenir
Le plat pays qui est le mien
Avec des cathédrales pour uniques montagnes
Et de noirs clochers comme mâts de cocagne
Où des diables en pierre décrochent les nuages
Avec le fil des jours pour unique voyage
Et des chemins de pluie pour unique bonsoir
Avec le vent d'ouest écoutez-le vouloir
Le plat pays qui est le mien
Avec un ciel si bas qu'un canal s'est perdu
Avec un ciel si bas qu'il fait l'humilité
Avec un ciel si gris qu'un canal s'est pendu
Avec un ciel si gris qu'il faut lui pardonner
Avec le vent du nord qui vient s'écarteler
Avec le vent du nord écoutez-le craquer
Le plat pays qui est le mien
Avec de l'Italie qui descendrait l'Escaut
Avec Frida la Blonde quand elle devient Margot
Quand les fils de novembre nous reviennent en mai
Quand la plaine est fumante et tremble sous juillet
Quand le vent est au rire quand le vent est au blé
Quand le vent est au sud écoutez-le chanter
Le plat pays qui est le mien.
Jacques
Brel
Le Bon Dieu
1977
Moi, moi, si t'étais l' Bon Dieu
Tu f'rais valser les vieux
Aux étoiles
Toi, toi, si t'étais l'Bon Dieu
Tu rallumerais des vagues
Pour les gueux
Moi, moi, si t'étais l'Bon Dieu
Tu n'serais pas économe
De ciel bleu
Mais tu n'es pas le Bon Dieu
Toi, tu es beaucoup mieux
Tu es un homme
Tu es un homme
Tu es un homme
Jacques
Brel
La tendresse
Paroles et Musique: Jacques Brel 1959
Pour un peu de tendresse
Je donnerais les diamants
Que le diable caresse
Dans mes coffres d'argent
Pourquoi crois-tu la belle
Que les marins au port
Vident leurs escarcelles
Pour offrir des trésors
A de fausses princesses
Pour un peu de tendresse
Pour un peu de tendresse
Je changerais de visage
Je changerais d'ivresse
Je changerais de langage
Pourquoi crois-tu la belle
Qu'au sommet de leurs chants
Empereurs et ménestrels
Abandonnent souvent
Puissances et richesses
Pour un peu de tendresse
Pour un peu de tendresse
Je t'offrirais le temps
Qu'il reste de jeunesse
A l'été finissant
Pourquoi crois-tu la belle
Que monte ma chanson
Vers la claire dentelle
Qui danse sur ton front
Penché vers ma détresse
Pour un peu de tendresse
Jacques Brel
L'âge idiot
Paroles: Jacques Brel 1966 "Jef"
L'âge idiot, c'est à vingt fleurs
Quand le ventre brûle de faim
Qu'on croit se laver le cœur
Rien qu'en se lavant les mains
Qu'on a les yeux plus grands que le ventre
Qu'on a les yeux plus grands que le cœur
Qu'on a le cœur encore trop tendre
Qu'on a les yeux encore pleins de fleurs
Mais qu'on sent bon les champs de luzerne
L'odeur des tambours mal battus
Qu'on sent les clairons refroidis
Et les lits de petite vertu
Et qu'on s'endort toutes les nuits
Dans les casernes
L'âge idiot, c'est à trente fleurs
Quand le ventre prend naissance
Quand le ventre prend puissance
Qu'il vous grignote le cœur
Quand les yeux se font plus lourds
Quand les yeux marquent les heures
Eux qui savent qu'à trente fleurs
Commence le compte à rebours
Qu'on rejette les vieux dans leur caverne
Qu'on offre à Dieu des bonnets d'âne
Mais que le soir on s'allume des feux
En frottant deux cœurs de femmes
Et qu'on regrette déjà un peu
Le temps des casernes
L'âge idiot c'est soixante fleurs
Quand le ventre se ballotte
Quand le ventre ventripote
Qu'il vous a bouffé le cœur
Quand les yeux n'ont plus de larmes
Quand les yeux tombent en neige
Quand les yeux perdent leurs pièges
Quand les yeux rendent les armes
Qu'on se ressent de ses amours
Mais qu'on se sent des patiences
Pour de vieilles sur le retour
Ou des trop jeunes en partance
Et qu'on se croit protégé
Par les casernes
L'âge d'or c'est quand on meurt
Qu'on se couche sous son ventre
Qu'on se cache sous son ventre
Les mains protégeant le cœur
Qu'on a les yeux enfin ouverts
Mais qu'on ne se regarde plus
Qu'on regarde la lumière
Et ses nuages pendus
L'âge d'or c'est après l'enfer
C'est après l'âge d'argent
On redevient petit enfant
Dedans le ventre de la terre
L'âge d'or c'est quand on dort
Dans sa dernière caserne
Jacques Brel
Je t'aime
Paroles et Musique: F. Bauber/J. Brel 1959
Pour la rosée qui tremble au calice des fleurs
De n'être pas aimée et ressemble à ton cœur
Je t'aime
Pour le noir de la pluie au clavecin de l'étang
Jouant page de lune et ressemble à ton chant
Je t'aime
Pour l'aube qui balance sur le fil d'horizon
Lumineuse et fragile et ressemble à ton front
Je t'aime
À l'aurore légère qu'un oiseau fait frémir
En la battant de l'aile et ressembles à ton rire
Je t'aime
Pour le jour qui se lève et dentelles de bois
Au point de la lumière et ressemble à ta joie
Je t'aime
Pour le jour qui revient d'une nuit sans amour
Et ressemble déjà, ressemble à ton retour
Je t'aime
Pour la porte qui s'ouvre pour le cri qui jaillit
Ensemble de deux cœurs et ressemble à ce cri
Je t'aime... Je
t'aime Je t'aime
Jacques Brel
Isabelle
Paroles et Musique: J. Brel/J. Brel-F. Rauber 1959
Quand Isabelle dort plus rien ne bouge
Quand Isabelle dort au berceau de sa joie
Sais-tu qu'elle vole la coquine
Les oasis du Sahara
Les poissons dorés de la Chine
Et les jardins de l'Alhambra
Quand Isabelle dort plus rien ne bouge
Quand Isabelle dort au berceau de sa joie
Elle vole les rêves et les jeux
D'une rose et d'un bouton d'or
Pour se les poser dans les yeux
Belle Isabelle quand elle dort
Quand Isabelle rit plus rien ne bouge
Quand Isabelle rit au berceau de sa joie
Sais-tu qu'elle vole la cruelle
Le rire des cascades sauvages
Qui remplacent les escarcelles
Des rois qui n'ont pas d'équipages
Quand Isabelle rit plus rien ne bouge
Quand Isabelle rit au berceau de sa joie
Elle vole les fenêtres de l'heure
Qui s'ouvrent sur le paradis
Pour se les poser dans le cœur
Belle Isabelle quand elle rit
Quand Isabelle chante plus rien ne bouge
Quand Isabelle chante au berceau de sa joie
Sais-tu qu'elle vole la dentelle
Tissée au cœur de rossignol
Et les baisers que les ombrelles
Empêchent de prendre leur vol
Quand Isabelle chante plus rien ne bouge
Quand Isabelle chante au berceau de sa joie
Elle vole le velours et la soie
Qu'offre la guitare à l'infante
Pour se les poser dans la voix
Belle Isabelle quand elle chante
Jacques
Brel
Il neige sur Liège
Paroles et Musique: Jacques Brel 1963
note: du film "Belgique vue du ciel"
Il
neige il neige sur Liège
Et la neige sur Liège pour neiger met des gants
Il neige il neige sur Liège
Croissant noir de la Meuse sur le front d'un clown blanc
Il est brisé le cri
Des heures et des oiseaux
Des enfants à cerceaux
Et du noir et du gris
Il neige il neige sur Liège
Que le fleuve traverse sans bruit
Il neige il neige sur Liège
Et tant tourne la neige entre le ciel et Liège
Qu'on ne sait plus s'il neige s'il neige sur Liège
Ou si c'est Liège qui neige vers le ciel
Et la neige marie
Les amants débutants
Les amants promenant
Sur le carré blanchi
Il neige il neige sur Liège
Que le fleuve transporte sans bruit
Ce soir ce soir il neige sur mes rêves et sur Liège
Que le fleuve transperce sans bruit
Jacques Brel
Comment tuer l'amant de sa femme ...
Paroles et Musique: J. Brel/G. Jouannest 1968
Comment tuer l'amant de sa femme
Quand on a été comme moi élevé
Dans les traditions?
Comment tuer l'amant de sa femme
Quand on a été comme moi élevé
Dans la religion?
Il me faudrait du temps
Et du temps j'en ai pas.
Pour elle je travaille tout l'temps
La nuit je veille de nuit
Le jour je veille de jour
Le dimanche je fais des extras.
Et même si j'étais moins lâche
Je touve que ce serait dommage
De salir ma réputation.
Bien sûr je dors dans le garage.
Bien sûr il dort dans mon lit.
Bien sûr c'est moi qui fait l'ménage.
Mais qui n'a pas ses p'tits soucis?
Comment tuer l'amant de sa femme
Quand on a été comme moi élevé
Dans les traditions?
Il y a l'arsenic ouais
C'est trop long.
Il y a le révolver
Mais c'est trop court.
Il y a l'amitié
C'est trop cher.
Il y a le mépris
C'est un péché.
Comment tuer l'amant d'sa femme
Quand on a reçu comme moi
La croix d'honneur
Chez les bonnes sœurs?
Comment tuer l'amant d'sa femme
Moi qui n'ose même pas
Le lui dire avec des fleurs?
Comme je n'ai pas l'courage
De l'insulter tout l'temps
Il dit que l'amour me rend lâche.
Comme il est en chômage
Il dit en me frappant
Que l'amour le rend imprévoyant.
Il croit que c'est amusant
Pour un homme qui a mon âge
Qui n'a plus de femme et onze enfants.
Bien sûr je leur fais la cuisine
Je bats les chiens et les tapis
Le soir je leur chante "Nuit de Chine".
Mais qui n'a pas ses p'tits soucis?
Pourquoi tuer l'amant d'sa femme
Puisque c'est à cause de moi
Qu'il est un peu vérolé?
Pourquoi tuer l'amant d'ma femme
Puisque c'est à cause de moi
Qu'il est péniciliné?
Jacques Brel
Chanson sans paroles
Paroles et Musique: J. Brel/F Rauber 1962
J'aurais aimé ma belle
T'écrire une chanson
Sur cette mélodie
Rencontrée une nuit
J'aurais aimé ma belle
Rien qu'au point d'Alençon
T'écrire un long poème
T'écrire un long " je t'aime "
Je t'aurais dit " amour "
Je t'aurais dit " toujours "
Mais de mille façons
Mais par mille détours
Je t'aurais dit " partons "
Je t'aurais dit " brûlons
Brûlons de jour en jour
De saisons en saisons "
Mais le temps que s'allume
L'idée sur le papier
Le temps de prendre une plume
Le temps de la tailler
Mais le temps de me dire
Comment vais-je l'écrire
Et le temps est venu
Où tu ne m'aimais plus
{2x}
Jacques Brel
À jeun
Parfaitement à jeun
Vous me voyez surpris
De ne pas trouver mon lit ici
Parfaitement à jeun
Je le vois qui recule
Je le vois qui bascule aussi
Guili guili guili
Viens-là mon petit lit
Si tu ne viens pas t'a moi
Ce n'est pas moi qui irai t'à toi
Mais qui n'avance pas recule
Comme dit Monsieur Dupneu
Un mec qui articule
Et qui est chef du contentieux
Parfaitement à jeun
Je reviens d'une belle fête
J'ai enterré Huguette ce matin
Parfaitement à jeun
J'ai fait semblant d'pleurer
Pour ne pas faire rater la fête
Z'étaient deux cents noirs
Les voisins les amis
Y avait qu'moi qu'était gris
Dans cette foire
Y avait beau-maman belle-papa
Z'avez pas vu Mirza
Et puis Monsieur Dupneu
Qu'est chef du contentieux
Parfaitement à jeun
En enterrant ma femme
J'ai surtout enterré
la maitresse d'André
Je n'l'ai su que c'matin
Et par un enfant de chœur
Qui m'racontait qu'sa sœur ah ça
Il me reste deux solutions
Ou bien frapper André
Ou bien gnougnougnafié
La femme d'André
Sur son balcon
Ou bien rester chez moi
Feu-cocu mais joyeux
C'est ce que me conseille André
André André Dupneu
Qu'est mon chef du contentieux
Parfaitement à jeun
Vous me voyez surpris
De ne pas trouver mon lit
Jacques Brel
Amsterdam
Paroles et Musique: Jacques Brel 1964 "Olympia 64"
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui chantent
Les rêves qui les hantent
Au large d'Amsterdam
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui dorment
Comme des oriflammes
Le long des berges mornes
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui meurent
Pleins de bière et de drames
Aux premières lueurs
Mais dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui naissent
Dans la chaleur épaisse
Des langueurs océanes
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui mangent
Sur des nappes trop blanches
Des poissons ruisselants
Ils vous montrent des dents
A croquer la fortune
A décroisser la lune
A bouffer des haubans
Et ça sent la morue
Jusque dans le cœur des frites
Que leurs grosses mains invitent
A revenir en plus
Puis se lèvent en riant
Dans un bruit de tempête
Referment leur braguette
Et sortent en rotant
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui dansent
En se frottant la panse
Sur la panse des femmes
Et ils tournent et ils dansent
Comme des soleils crachés
Dans le son déchiré
D'un accordéon rance
Ils se tordent le cou
Pour mieux s'entendre rire
Jusqu'à ce que tout à coup
L'accordéon expire
Alors le geste grave
Alors le regard fier
Ils ramènent leur batave
Jusqu'en pleine lumière
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui boivent
Et qui boivent et reboivent
Et qui reboivent encore
Ils boivent à la santé
Des putains d'Amsterdam
De Hambourg ou d'ailleurs
Enfin ils boivent aux dames
Qui leur donnent leur joli corps
Qui leur donnent leur vertu
Pour une pièce en or
Et quand ils ont bien bu
Se plantent le nez au ciel
Se mouchent dans les étoiles
Et ils pissent comme je pleure
Sur les femmes infidèles
Dans le port d'Amsterdam
Dans le port d'Amsterdam.